Des notations, vous ne connaissez pas? Alors pour la musique, il existe des partitions avec des portées et des notes. Eh bien les notations, c’est le même principe, mais pour la danse. Sauf que… c’est autrement plus compliqué! Imaginez que ces notations de danse doivent rendre compte des mouvements de chaque partie du corps de chaque danseur et danseuse, et cela dans toutes les directions de l’espace, en déplacement dans cet espace et sur une ligne du temps. Sans même parler des subtilités de rythme, style et interprétation. Un vrai casse-tête! D’ailleurs, malgré des siècles de tentatives, aucun système de notation n'est devenu LA norme universelle. Deux systèmes ont tout de même réussi à se répandre et sont utilisés dans certaines compagnies: la cinétographie Laban et la choréologie Benesh, du nom de leur inventeur respectif, tous deux prénommés Rudolf, tiens donc.
C’est en cinétographie Laban qu’ont été écrites les notations avec lesquelles nous avons tenté de nous entraîner en prévision de notre choré du cinq-centième. Nous avons choisi la pièce « Danse macabre » de Sigurd Leeder, pensant commencer tranquillou avec un tel titre. Erreur! Quand nous avons ouvert la boîte, toutes les notations se sont précipitées dehors comme si elles avaient le diable à leurs trousses et ont commencé à exécuter la chorégraphie dans le compactus, mettant le bazar le plus complet partout où elles passaient. Nous avons dû remettre à l’ordre la Danse macabre et surtout remettre de l’ordre dans les boîtes d’archives sens dessus dessous, sans nous tromper dans les numéros. Pfff, grosse fatigue.
Après d’âpres négociations avec la Danse Macabre, en lui promettant en échange de retrouver ses masques de scène, elle a été d’accord de rester assez sage pour que nous lisions sa notation. Ce qui nous a fait le plus plaisir dans ces notations, vous allez rire, c’est que nous n’avons strictement rien compris. Rien de rien. Pour notre âge et notre niveau d’ennui, c’est extrêmement jouissif de découvrir quelque chose qu’il nous reste à apprendre! Déjà, ce langage se lit de bas en haut, il faut s’habituer. Ensuite, c’est un alphabet complet de signes abstraits avec un vocabulaire et une grammaire à transposer en 4 dimensions. On dirait un peu du Kandinsky qui aurait rêvé en cunéiforme. Ou bien du Tinguely qui aurait mangé du maya. Ou encore du Sonia Delaunay qui peindrait du sanskrit en 3D. Enfin, vous voyez le délire.
Mais cette Danse macabre ne tient décidément pas en place une seule minute! Impossible de déchiffrer la première ligne jusqu’au bout. Tous ces signes prisonniers du papier et qui ne rêvent que de se trémousser de vie! Un crève-cœur. Nous avons eu pitié d’elle et l’avons autorisé à danser dans le compactus pendant que nous partions chercher les masques promis.